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Mots interdits
24 septembre 2005

la(r)mes

au_sol

Elle est là. Sur les lames du parquet. Nue.

Elle a fermé les yeux. Elle a peur.

Il est là, il la regarde. La dévore des yeux.

Visage fermé, un rictus aux lèvres.

Dans ces mains, un éclair, une lueur d'argent.

Une lame..

---

Tout à l'heure, elle est rentrée, de sa démarche dansante. Ivre de soleil, de bonheur, du plaisir de ses vingt ans.

Elle a passé l'après-midi, dans cette petite calanque, tout au bout de Marseille. Les rochers blancs, éblouissants à en faire mal aux yeux. Cette eau si bleue dont elle a un peu peur. Du bout du pied, elle a tâté l'eau. Des frissons plein le corps. Comme elle est froide sur sa peau brûlante !

Elle s'est allongée. Elle a abandonné son corps à ce soleil brûlant qui lui chauffe le ventre. L'endroit est désert. Elle a retiré le haut, offert ses seins blancs à l'astre du jour. Elle s'est laissée aller à des rêves érotiques. Ce soleil qui pénètre de ces rayons brûlants. Elle n'est plus à Marseille. Non, elle a franchi la mer, débarqué sur les plages blanches de ces pays si chauds qu'elle n'a jamais vu, à part dans les livres. Elle l'imagine, prince du désert aux yeux de braise. Elle sent son souffle. Elle rêve. Elle ne fait que rêver.

Elle a bravé les interdits. Son amant ne veut pas qu'elle aille à la plage sans lui. Elle ne doit pas s'offrir aux regards des autres, au regard des hommes, aux rayons du soleil. Il veut garder à lui seul son corps d'albâtre, ses seins si blancs, la trace du slip, marques de neige sur son corps caramélisé à la peau blonde.

Elle doit l'attendre.

Elle est là. Si près de la mer dont elle a tant rêvé. Elle la voit depuis ses fenêtres qui donnent sur la corniche. Elle l'appelle cette mer. Ce matin, elle a craqué. Il ne rentrera que ce soir. Elle, elle doit étudier. En attendant qu'il rentre. Les chiffres de son livre de maths dansent devant ses yeux. Ils se transforment en vagues moutonneuses. Elle sent se lever en elle un vent de liberté, qui gonfle son corps, l'invite au voyage. Son âme prend le large.

Elle a osé. Franchir le pas. Marcher vite. Partir le long de cette corniche. Vers la plage où il l'emmène souvent. Plus loin, là-bas vers ces rochers blancs, paysages hors temps où on ne se sent plus en ville. Des automobilistes klaxonnent, vitres baissées, ils sont l'invite à monter, suivre leurs mots ensorceleurs.

Elle ne les écoute pas. Ne les voit pas. De son pas rapide, elle court, elle vole. Les yeux fixés sur la mer. Elle a envie d'étreinte, mais pas celles des hommes. Elle a envie de liberté. La vraie. Elle, la mer, les rochers, le soleil...

---

Il est rentré plus tôt. Il la surveille. Sa blonde, comme il l'appelle. Elle semble toujours tellement le fuir, ne pas lui appartenir. Etre ailleurs. Elle est si silencieuse. Elle paraît docile, fragile. mais ce n'est qu'une apparence. Il est sûr de sa force. Il sent sa révolte, latente, à fleur de peau. Il veut prendre ses yeux, dans son regard. Il a beau s'y noyer. Il sent qu'elle lui échappe. Quel mur ? Où est-elle quand elle sourit, -mais sourit-elle vraiment - , où est-elle quand elle dort ? D'où viennent ces tressaillements qui parcourent sa peau ? Pourquoi sursaute-t'elle au moindre bruit.

Son sang ne fait qu'un tour. Elle n'est pas là. Elle lui dit qu'elle ne bouge pas. Qu'elle l'attend. Elle ment. Il le sait. Elle ment.

Vite il  a refermé la porte. Il court vers cette plage. Il sait que cela l'attire. Elle va s'être offerte là aux regards des hommes. Il les sent ces regards concupiscents qui s'attardent sur ce corps. Cela le rend fou. Elle est à lui. Rien qu'à lui. Mais derrière ses yeux baissés, son sourire absent, ses silences. Il ne sait pas vraiment...

Il arrive à la plage. La cherche. Il la ramènera à la maison. Et elle verra... il va lui apprendre que les femmes doivent obéir aux hommes.

Il ne la trouve pas... le doute monte en lui, énorme, le balaye comme une grosse vague.

Il retourne d'un pas pesant dans l'appartement. Il va l'attendre. Ses poings se sont crispés. Il va l'attendre...

---

Elle arrive, de sa démarche légère. Il est encore tôt. Elle a apprécié cette bulle de liberté. Il ne rentrera pas avant deux heures. Elle va se laver, faire partir de sa peau ce goût de sel que sa peau a retenu. Elle va se remettre dans les livres. Ou préparer un repas, de ces repas qu'il apprécie et dont il lui a montré les recettes sur le vieux livre jaune qui date du début du siècle...

Ses yeux s'habituent à la pénombre de la pièce. Elle tressaille. Il est là. Ses yeux ne la quittent pas...

... Ils ont parlé longtemps. Il a parlé longtemps. Crié. Il l'a secouée. "Où étais-tu ? avec quel homme ?"

Elle est restée muette. "A la plage... " lui a-t'elle répondu ! Cela l'a rendu fou. Il y est allé à la plage ! Les mots qui déjà ne sortent pas ... se sont complètement bloqués au fond de la gorge. Fautive. Elle connaît. Elle se sent toujours fautive. Elle ne sait pas expliquer. Elle ne peut pas expliquer. Elle va attendre que ca passe. Comme sa mère. Quand elle lui fait la morale. Elle attend. Les gens "soupe au lait" ils sont comme ca. Ils n'écoutent pas... ils parlent, ressassent, et ensuite quand ils ont déchargé leur haine (?), rancoeur (?), qu'on s'est bien excusé, qu'ils ont senti qu'on est obéissant, dociles... ils oublient... jusqu'à la prochaine fois.

Il suffit d'être lisse, comme un marbre. Bien sûr les mots la blessent, profondément. Mais eux, ne savent pas.

Après quelques heures... la conversation s'épuise. Elle a réussi à dire par petits mots, les rochers là-bas... La mer. Ce regret. Bien sûr elle n'aurait pas dû y aller... Bien sûr c'est dangereux. Bien sûr. D'accord. Bien sûr. D'accord....

Elle l'a senti se calmer... et puis naître dans le regard le désir de son compagnon. Elle va être docile. Pour lui faire plaisir...

---

Il l'a faite allonger par terre. Sur les lames du plancher. Nue.

Elle a fermé les yeux. Elle a peur.

Il est là, il la regarde. La dévore des yeux.

Visage fermé, un rictus aux lèvres.

Dans ces mains, un éclair, une lueur d'argent.

Une lame..

La lame caresse son corps. Elle sent le doux contact froid. Du visage elle a glissé vers les seins. Aréoles douces, il a caressé de la pointe du couteau..

De la pointe du couteau, à peine, il dessine son prénom sur son ventre...

Il regarde le triangle qui l'attire tant... Il l'a sent soumise. Enfin! Elle frémit comme une corde tendue. Il devine son désir. Il est l'homme et va la dominer, la prendre, réduire sa volonté. La rendre obéissante, soumise. Comme une femme quoi !

Derrière ses paupières baissées, les larmes coulent, répondent aux caresses de la lame.

Elle sait qu'elle va le quitter, que cette jalousie au fond du regard de l'homme, n'est pas de l'amour. Même si il lui dit, lui crie. Il a laissé tomber le couteau. Il la couvre de baisers. Il veut l'emmener dans sa jouissance. Elle le regarde prendre son corps, partir sur cette vague...

Elle, elle reste là. Comme sur son rocher, tout à l'heure. Ses larmes chaudes remplacent les rayons du soleil. Ne pas rêver. La vie n'est pas un rêve. quand va t'elle enfin l'accepter ?

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Commentaires
E
C'est un trés beau récit que tu conte là, même si il est dur. <br /> Bonne fin de week-end.
I
tout simplemnt, merci à toi de tes simples mots qui me touchent
C
Triste...je n'ai pas de mots.<br /> Simplement du respect.
I
Pralinette > merci de tes pensées<br /> <br /> Jean-Jcques > peut être que ce texte t'a -t'il plus touché qu'un autre ?<br /> <br /> Bisous à tous les deux
L
L'amour est possession Iles Cook. C'est à mon humble avis un des meilleurs textes que tu as publié ici. Je te souhaite un bon dimanche et dépose mes bises pour toi.
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