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25 janvier 2006

Il n'est pas revenu...

Il n'est pas revenu...

Il n’est pas revenu… cela fait trois nuits qu’elle l’attend, attentive au moindre bruit, au moindre cri, au moindre souffle, au moindre pas.

Elle vient de passer cette nuit encore à l’attendre. Dehors, emmitouflée dans son plaid polaire, un bonnet sur la tête. Il fait si froid… mais l’attente brûle dans ses veines. Elle ne sent pas le froid qui l’engourdit.

Elle voit le soleil ou plutôt la promesse de soleil se lever là-bas à l’est derrière la montagne. Le ciel semble rosir, fleurir, s’épanouir.

Il n’est pas revenu…

Elle se résigne à rentrer dans le refuge où elle est depuis près d’une semaine. De ces doigts gourds, malgré les gants et les moufles, elle craque maladroitement une allumette. Le gaz s’enflamme. Elle pose la vieille casserole emplie d’eau et s’abandonne à sa rêverie. Elle est complètement engourdie, son corps, sa tête, ses idées. Déjà, les picotements au bout de ses pieds et de ces doigts la lancinent, horribles martèlements où elle sent battre son cœur au bout des doigts.

Elle a ajouté le café soluble, et assise devant la fenêtre, elle observe encore dehors, la grange, la montagne devant elle, les stalactites, épées tranchantes qui tomberont au moindre rayonnement de soleil…

Il n’est pas revenu… à petites gorgées elle boit le café qui brûle sa gorge, sa poitrine.. Elle rêve, elle se souvient.

C’était il y a cinq, six jours ? Elle ne sait plus bien. Depuis qu’elle s’est retirée dans ce lieu non fréquenté à cette époque de l’année, elle a un peu perdu contact avec la réalité. Non, elle n’est pas dans le virtuel. Elle est dans la réalité, mais autre. Elle a quitté la vallée, les mensonges des hommes, la solitude. Ne plus entendre les quolibets. Les critiques. Les railleries. Ne plus sentir brûlant le regard de ces hommes et de ces femmes qui veulent percer son mystère. Et la rejettent. L’étrangère. L’étrangère au pays. La « dérangeante ». Celle qui n’a pas le même accent. Le même passé. Bien sûr, personne ne la cherchera. Ils ont du la penser repartie vers la ville. Elle n’aurait jamais du la quitter la ville. Elle n’est pas de chez eux. "Bon voyage l’étrangère", voilà ce qu’ils ont du penser, enfin ceux qui sont le moins mauvais.

Sa tasse est vide, elle l’emplit à nouveau, elle a tant besoin de chaleur….

Le miracle, l’impossible est arrivé. Il y a cinq, six nuits ? Elle ne sait plus. Elle était allongée dans la grange, dans les restes de paille d’où elle avait une vue imprenable sur le ciel, les étoiles , la lune qui coiffait irrévérencieusement la pointe de la montagne là-haut !

Et puis soudain, entre le ciel et elle, cette silhouette… avait-elle eu peur ? Non, qu’allez-vous croire. En fait elle avait été subjuguée. Elle avait croisé le regard mordoré, autre champ d’étoiles et ils étaient tous les deux tombés sous le charme.

Dans leurs regards, ils ont tout échangé. Elle lui a dit la cruauté des hommes, il lui a dessiné l’ivresse de la solitude, de la montagne de la nuit. Elle lui a dit ses faiblesses, ses échecs, ses espoirs, ses désespoirs, ses attentes. Il lui a fait sentir la chaleur, le souffle qui te réchauffe, le bonheur de courir dans les prés, le toucher. Ah la douceur du toucher, la chaleur du toucher… Pelotonnés l’un contre l’autre, partageant les mêmes rêves, les mêmes attentes, les mêmes désespoirs, ils se sont réchauffés. Et chaque matin, elle se retrouvait seule… mais il venait le soir à leur rendez-vous lunaire.

Et peu à peu, elle s’était accrochée à la vie, à l’espoir. Ces joues rosissaient et le regard rêveur, un sourire fleurissait ses lèvres quand elle pensait à leurs retrouvailles du soir..

Il n’est pas revenu… Plus de café dans le bol, et ses yeux qui la piquent… Les réserves du refuge s’épuisent de jour en jour.. qu’importe ? Elle a partagé avec lui la nourriture même celle qu’a priori il n’avait pas l’air d’aimer. Elle fouille vaguement, à la recherche d’une boîte oubliée, d’un paquet de biscottes…

Elle découvre une petite radio, et machinalement elle tourne le bouton. Un grésillement… Une voix retentit dans la pièce silencieuse.

Dépêche de notre envoyé des Hautes-Pyrénées.

La chasse au loup qui s’est terminé comme vous le savez par la mort de l’ennemi de nos bergers près de Chamfort-le-Vieux il y a maintenant trois nuits a été récompensée. Le héros de cette chasse a été récompensé par le maire du village ce matin…

Elle a jeté la radio avec horreur…

Il n’est pas revenu… il ne reviendra plus. Elle revoit ses yeux mordorés, croit sentir l’odeur chaude qu’il dégageait, a envie de passer la main dans ce poil… Son ami. Son seul ami, le loup. Celui qui lui avait fait partager les merveilles du monde, avait transmis les secrets de sa race, les secrets qui remontent si loin dans le temps….

Elle sort dehors. Les larmes qui coulent gèlent directement sur ces joues. Elle ne les sent pas. Elle tourne résolument le dos à la vallée, là où vivent les humains. Elle part vers la lumière, cette montagne qui recèle les grands secrets de l’humanité.

L’homme n’est pas un loup que pour l’homme.

loup

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Commentaires
R
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P
Oups... très beau texte... et quelle superbe allégorie!<br /> Heureuse de ton retour...
B
J'ai adoré !<br /> <br /> Bravo ma belle
C
Contente de ton retour et merci de ton com.<br /> Ce texte est de toute beauté et je me sens très émue après cette lecture.<br /> Il y à matière à réflextion!<br /> Bisous
C
Je suis désolée, Ilescook...<br /> Non, je n'avais pas compris ce texte<br /> Je l'ai lu vite parce que...peu de temps, et j'étais réellement contente de te voir revenue<br /> Ne m'en veux pas
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