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16 septembre 2005

Le dragon de mes nuits

Sujet

le dragon dans tous ses états :

Ecrire un texte avec pour personnage un dragon, faites éclater la sémantique et parlez du dragon dans tous ses états : animal mythique... soldat... personne à forte caractère, etc...

Le dragon de mes nuits.

Il fait nuit.
Elle vient de se réveiller. Elle ne sait pas pourquoi.
Ou plutôt si.
Il est revenu. Il est là.
La peur lui donne des frissons.
Elle essaie d’oublier, peut-être se rendormir…

Non, il ne faut pas.
Il es revenu.
Elle le sait.
Elle le sent.
La conscience bien éveillée maintenant.
La peur s’installe.
Envoûtante. Prenante.
Elle sait qu’elle ne pourra pas échapper.
...
Ce n’est pas la première fois qu’il vient.
Il vient toujours la nuit. Quand tout le monde dort.
Il est encore revenu.
Il ne doit pas savoir qu’elle est là, à sa portée.
Elle ne doit plus respirer. Retenir son souffle.
« Qu’il ne m’entende pas… » se dit-elle
Il est encore revenu.
« Qu’il ne me voit pas »
...
Doucement, le souffle court, le cœur battant, elle s’enfonce petit à petit tout au fond de son lit, sous son drap.
Elle reprend la position naturelle du fœtus.
Recroquevillée. En boule.
Elle voudrait se liquéfier, rentrer dans le matelas.
Que les couvertures ne fassent plus la bosse qui va la révéler…
Qui fait qu’il va la trouver.

Elle écoute. Elle n’est plus qu’une oreille, un tympan tendu dans la nuit.
Est-il toujours là ?
Les draps l’étouffent.
Est-ce les battements de son cœur ou les pas qui peu à peu vont s’approcher ?
Elle les entend.
Ils font boum, boum, boum.
Elle a envie de crier.
Elle ouvre la bouche et aucun son ne sort.
….
Elle transpire, les mains moites.
Attendre le lever du jour.
Elle ne sait même pas l’heure qu’il est.
Elle ne peut remonter en haut, vers l’oreiller, regarder l’heure.
Elle n’a pas le courage.
Elle n’a pas la force.
Elle reste blottie, proie invisible, au fond de son lit.
Elle pleure. En silence. Elle a appris à taire ses larmes.
Elles coulent silencieuses. Personne ne les saura.
Elle est vaincue. Elle le sait.
….
Il est là-haut. Au-dessus à la surveiller.
Il la connaît bien cette petite fille.
Rebelle. Silencieuse, mais rebelle.
Il faut la vaincre. Détruire ses rêves.
A quoi ca sert de rêver ?
Qu’est ce qu’elle croit ?
Que la vie est un rêve ?
Il faut travailler. Ce sont tous ces livres qui lui tournent la tête !
Travailler, tu entends ?
Et pourquoi tu ris comme cela ?
Ris, ma petite, tu verras quand tu seras grande !!
Tu riras moins. Tu ne riras plus.
...
Alors, il écarte le plafond de la chambre.
Il va la retirer de ce lit douillet.
L’enlever. Là-haut. Loin des rêves.
Loin des livres. Dans le noir de la vie.
Qu’enfin elle comprenne…
….
Elle résiste. De toute ses forces à ce qui l’attire vers le haut.
Elle se fait lourde, rocher, elle adhère au monde.
Elle sait qu’elle ne doit pas quitter ce lit…
….

dragon


Il a compris, le dragon. Il ne l’aura pas.
Du moins ce soir. Il a déployé toute son pouvoir.
Mais elle s’est cachée. Derrière quel mur ?
Rebelle. Sage de l’extérieur. Faible.
Mais si forte au fond d’elle….
D’où tire-t’elle cette force qui la fait résister à lui "l’Autorité"?
Il veut juste lui donner une leçon.
Qu’elle se souvienne. Il lui en a déjà donné des leçons.
N’est ce pas le rôle d’un dragon de faire rentrer les choses coûte que coûte dans la tête des enfants rebelles ?
...
Le dragon se dresse, immense.
Du fond de son lit, elle a senti son souffle brûlant.
Dans ses membres puissants, il prend les quatre murs de la chambre.
Et il serre… fort, de plus en plus fort.
Elle sent les murs se rapprocher peu à peu.
Déjà elle ne peut plus bouger.
Elle tente de toutes ses forces de repousser les murs.
Elle résiste de moins en moins…
La chambre finit par ressembler à une boite d’allumettes.
Elle est dedans, écrasée.
Sans forme. Sans vie.
...
Le dragon de l’Autorité l’a vaincue.
Il a détruit ses rêves. Ses espoirs. Son imagination.
Son besoin de courir, de voler, de danser.
Elle marchera au pas. Gentiment. Sagement.
Seule dans sa tête, la graine de la révolte est semée.
Il suffira d’un souffle de vent pour la démultiplier.

En souvenir du cauchemar récurrent de mes nuits d'enfant.

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Commentaires
I
Oui quand ce n'est pas de la fiction mais la réalité... On s'inspire souvent de nos propres peurs pour écrire nos textes. Mais c'est vrai que ca fait mal... Désolée d'avoir ravivé des souvenirs pénibles pour toi.<br /> Amicalement à toi aussi
T
Je ne dirais pas "pas mal"<br /> Je dirais "très mal" . Ton texte me fait si mal.<br /> <br /> Je pense à une petite fille que je connais.<br /> Je suis avec toi <br /> Je t'envoie d'amicales pensées
I
... tu as raison. Attendre les nouvelles aurores. Et fermer la porte aux dragons de son enfance... Je m'y emploie.. mais l'aube me semble ancore loin <br /> Amicalement
P
Je suis muette et frissonnante... merci et bravo d'avoir "sorti" ce texte. Regarde... un nouveau jour vient de se lever, je t'embrasse fort.
I
Stef > Merci pour ce chemin vers Aurélie. Très méouvant et très juste son écriture<br /> <br /> Jean-Jacques > Drôle de récupérer le souffle dans ce monstre qui m'a pris mon souffle. Comme quoi les souffrances, ... elles sont créatrices. <br /> Bon week-end à toi aussi<br /> <br /> Le râleur > bien contente que ca t'ai plu. Ce sont des textes qui "sortent" de moi, d'une manière non guidée, un peu abrupte... est ce pour cela qu'ils sont puissants ?
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