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13 décembre 2005

Tante Charlotte

Sujet:
Le dévouement

Ecrivez un texte qui mettra en valeur le dévouement d'une personne (à une autre personne, à une cause x ou y, etc.)et expliquer pourquoi cette personne est récompensée de son dévouement ou pas.

___________

Tante Charlotte.

Du fond de ma mémoire, elle est ressortie, petite bonne femme trottinante, toujours pressée, toujours active, un peu sèche, pas trop «bisous» ni calins… petite fourmi de mes années d’enfance.

Elle fait partie de ces familiers qui ont partagé tous les jours de votre enfance, sans statut, sans histoire. Toujours présente.

Une demoiselle. Elle ne s’est jamais mariée… et pourtant … j’ai souvenir de photos de l’ancien temps où elle était à côté de ses sœurs, … sacrée belle femme !

Sa vie a été pour moi un mystère. Elle avait son rôle dans notre famille, on la voyait tous les jours. Elle venait en début d’après-midi… son coup de sonnette était vigoureux, reconnaissable entre tous.

Mon père avait son cabinet d’assurances dans notre appartement et pour se différencier des éventuels clients qui auraient pu sonner, le coup de sonnette familial était trois coups qui se suivaient… sinon, quand le coup était unique et solitaire, on fermait vite les portes du couloir, la cuisine, les chambres, la salle à manger et mon père allait ouvrir au « Client ».

Quand elle arrivait, elle ne prenait jamais de café… Elle nous embrassait rapidement, deux baisers lèvres sèches rentrées, bises bruyantes puis elle se mettait au travail : le repassage ! Il faut dire que nous étions nombreux dans la famille : quatre filles, les parents, les grands-parents…

Le repassage c’était sa mission. Elle s’y attaquait avec toute ses forces, descendait les piles et surveillait ce que nous portions… Elle n’aimait pas que l’on porte trop rapidement un vêtement qu’elle venait de repasser….

Son travail terminé, le même rituel se faisait, distribution de baisers secs et elle continuait sa ronde de bonnes œuvres… chez sa sœur qui habitait juste en face… où elle aidait à préparer la soupe.

Elle vivait chez son employeur une vieille dame dont elle était la dame de compagnie. Quand cette dame disparut, son fils l’autorisat à rester dans cet appartement pour l’entretenir. Elle briquait tout, tous les jours. Quand la vieille dame fût dans sa dernière demeure, une espèce de chapelle dans le cimetière, elle y allait tous les jours nettoyer, et puis elle en profitait pour veiller à toutes les pierres tombales familiales.

Jamais elle ne nous emmena chez elle, enfin dans l’appartement où elle vivait. Petit à petit, elle se rajoutait des tâches, des personnes qui avaient besoin d’elles et auxquelles elle devenait fidèle, régulière comme un métronome, trottinant, efficace, effacée.

Elle ne partageait jamais aucun repas avec nous, seulement les repas de fête, Noël, Jour de l’an, les communions, la Fête des mères où nous lui offrions un bouquet de fleur à la place d’enfants qu’elle n’a jamais eu.

Il n’y avait qu’une occasion, où je la trouvais différente, où je la trouvais «vivante». Quand sa patronne était en vie, dès début du mois de janvier elle partait avec elle, à Juan les Pins où la vieille dame avait un appartement. Et quand elle revenait, un mois ou deux mois après, ma tante Charlotte était transformée, rayonnante. Les joues hâlées. Elle ramenait des bouquets de mimosa et racontait intarissable, la mer, les fleurs, le soleil… Et moi petite fille, je regardais émerveillée l’éclosion des petites boules d’or, j’humais avec délice le parfum capiteux et je rêvais à ce Midi fabuleux qui faisait naître des étoiles dans les yeux de cette tante si raisonnable !

Un jour, elle est partie à son tour… Le dernier voyage. J’habitais déjà la Provence et ne fus pas là pour l’accompagner lors de ses derniers pas. Quand je revins sur sa tombe, quelques mois après je remarquais l’inscription « Constance J. »… et j’appris que ma tante Charlotte s’appelait Constance… Son père avait rêvé à sa naissance d’un garçon… elle fût la septième et dernière fille. Elle fut baptisée Constance en hommage à un Constant qui venait de mourir à la guerre. Et puis pour ne pas faire de peine à la veuve, son père l’appela « Charlotte »…

Des Charlotte comme elle, je pense qu’il y a du en avoir beaucoup… effacées, toujours à rendre service, sans vie, sans nom… Elles font partie du paysage… Sans doute en avez-vous connu ?

Qui a séché leurs pleurs, alimenté leur rêve, donné vie un instant ? Je me plais à penser, que quelque part dans le midi, près de Juan les Pins, ses vacances hivernales lui apportaient les attentions et les émois d’un amoureux … quelqu’un qui savait mettre des étoiles dans ses yeux et un brin de mimosa à son corsage ?

mimosa1

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Commentaires
A
Je découvre ce texte avec retard mais cela n'enlève rien à mon plaisir et à ta délicatesse. Merci.
I
Merci du compliment...
G
Superbe
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